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Jean-Paul Sartre est né et mort à Paris : 21-06-1905
- 15-04-1980. Il est élevé par sa mère, veuve en
1906, qui est catholique, et par son grand-père maternel, Charles
Schweitzer, protestant alsacien. En 1916, sa mère se remarie
et Jean-Paul Sartre entre au lycée de La Rochelle. Il y devient
le condisciple de Paul Nizan avec qui il prépare l'entrée à l'école
Normale Supérieure. Il y entre en 1924, rencontre Simone de Beauvoir
en 1926 et passe l'agrégation de philosophie en 1929. En 1927,
Sartre traduit avec Nizan la Psychopathologie de Jaspers.
Il accomplit son service militaire en 1929. Il est ensuite professeur
de philosophie
au Havre. Il lit les romanciers américains, Kafka et des romans
policiers. En 1933, il part pour Berlin où il étudie Husserl
et Heidegger.
Revenu au Havre, il écrit différents essais philosophiques
(La Transcendance de l'Ego, L'imagination, publiés tous deux
en 1936, Esquisse d'une théorie des émotions (1939)) qui
introduisent en France la phénoménologie et l'existentialisme
allemands. Il fait l'exp érience de la mescaline.
Il écrit Erostrate en 1936 et voyage en Italie. Gallimard refuse
Melancholia qui deviendra La Nausée, qui paraît en 1938
suivie de Le Mur (1939). Mobilisé, fait prisonnier, libéré en
1941, Sartre reprend l'enseignement. Par ailleurs, il se rallie au mouvement
de résistance "Front National". En 1943, paraît
L'Etre et le Néant, traité central de l'existentialisme
athée. L'écrivain fait jouer Les Mouches en 1943 et Huis
clos en 1944. Après la Libération, il publie les deux
premiers tomes des Chemins de la Liberté, L'Age de raison et
Le Sursis. Au cours de la même année 1945 il fonde la revue
Les Temps Modernes et quitte l'enseignement. Il commence à entretenir
des relations difficiles avec le parti communiste. En 1946, pour répondre à ses
détracteurs, il fait une conférence, L'Existentialisme
est un humanisme. Cette année est celle où il fait jouer
La Putain respectueuse et publie Réflexions sur la question juive.
En 1947, il publie un essai sur Baudelaire. En 1948, il fait représenter
Les Mains sales et fonde le Rassemblement démocratique révolutionnaire,
qui est un échec. Il soutient le parti communiste jusqu'au soulèvement
de la Hongrie en 1956.
En 1949, il publie La Mort dans l'âme, troisième volume
des Chemins de h Liberté . En 1951 il fait jouer Le Diable et
le Bon Dieu. En 1952 s'opère la rupture avec Albert Camus. Sartre
participe au Congrès mondial de la paix et publie Saint Genet,
comédien et martyr. Il s'élève contre la guerre
d'Indochine (publication de L'Affaire Henri Martin, 1953). Il voyage
en Italie et en URSS. En 1955, il fait jouer Nekrassov. 1956, voyages
en Chine, Yougoslavie, Grèce. Il s'élève contre
la guerre d 'Algérie (Préface à La Question, d'Henri
Alleg). En 1959, il fait jouer Les Séquestrés d'Altona.
En 1960, il voyage à Cuba et donne une suite à L'Etre
et le Néant : Critique de la Raison dialectique. En 1964, il
obtient le prix Nobel qu'il refuse et publie Les Mots. En 1971 il commence à publier
L'Idiot de la famille, une importante étude sur Flaubert. Après
Mai 68, il accorde son appui à différents mouvements gauchistes
et à leurs organes de presse. Atteint de quasi-cécité il
doit pratiquement abandonner ses travaux en cours.
Existence, Histoire, Ecriture, telles sont les
variables dont il faut tenir compte pour aborder l'œuvre de Jean-Paul Sartre.
De 1925 à 1944, il ne se soucie pas encore de l'Histoire. De
1944 à 1953, il mène de front l'œuvre littéraire
et l'engagement politique. A partir de 1953, l'engagement politique
l'emporte sur la littérature. Trois phases au cours desquelles
les livres – romans, essais, théâtre – sont
sous-tendus par une philosophie, l'existentialisme. Ainsi il est facile
de discerner dans La Nausée l'influence de la pensée husserlienne
quand Antoine Roquentin le héros se dit : "Exister c'est être
là simplement... Tout est gratuit, ce jardin, cette ville et
moi-même. Quand il arrive qu'on s'en rende compte, ça vous
tourne le cœur et tout se met à flotter." La nausée
devient le signe de l'authenticité de l'existence que ne fonde
aucune valeur préétablie. Dés lors s'écroule
le décor social bourgeois, peuplé de "salauds".
Fuir l'existence est impossible, comme le montrent les nouvelles du
Mur. Tenter de le faire, c'est encore exister. "L'existence est
un plein que l'homme ne peut quitter." A la veille de la guerre,
Jean-Paul Sartre ne conçoit encore que des consciences intérieurement
libres mais incapables d'agir sur le monde. En 1939, l'Histoire fait
brutalement irruption. Il faut s'engager pour la façonner. Tel
est le sens des Chemins de la Liberté où transparaissent
des réflexions contenues dans L'Etre et le Néant. Dans
le contexte historique des années 1938-1940, différents
personnages accèdent par des voies différentes – selon
la situation où ils se trouvent – à des degrés
différents de liberté. L'Age de raison se situe à Paris
en juillet 1938 et met en scène un professeur de philosophie,
un homosexuel et un communiste, trois consciences isolées que
le tourbillon de l'Histoire saisit dans Le Sursis, Histoire qui prend,
selon la technique de Dos Passos, un aspect simultanéiste. La
Mort dans l'âme montre comment la liberté parvient à modifier
l'Histoire. Le quatrième volume, La Dernière Chance, n'a
jamais paru intégralement.
Le théâtre, parce qu'il permet de toucher directement et
tous les soirs un public différent, devait naturellement attirer
Jean-Paul Sartre. C'était encore le meilleur moyen de diffuser
ses idées. Les Mouches reprend le thème de la liberté,
celle d'une conscience individuelle. En ce sens, cette pièce
est au théâtre ce que La Nausée était au
roman. De même Huis clos est-il le symétrique du Mur. Monde
de prisonniers incapables d'exercer leur liberté parce qu'elle
se heurte à d'autres consciences. "L'enfer, c'est les autres." Délaissant
les mythes, les allégories, Jean-Paul Sartre va désormais
porter au théâtre des situations concrètes, qui
relèvent d'une Histoire plus ou moins récente avec Morts
sans sépulture (1946) qui traite du problème de la torture.
La Putain respectueuse traite du racisme. Les Mains sales posent la
question de savoir si l'on peut faire de la politique sans se salir
les mains. Avec Le Diable et le Bon Dieu, Sartre parvient enfin à donner
une expression pleinement dramatique au problème de la liberté.
Dieu n'existe pas. Les hommes ne peuvent prendre leur destin en main
qu'à travers les conditions politiques et sociales qui leur sont
faites. Les Séquestrés d'Altona marquent un tournant dans
la façon dont Jean-Paul Sartre se situe en face de son époque.
La pièce est de 1959, au moment de la guerre d'Algérie.
Elle pose des questions capitales : Les hommes font-ils l'histoire ?
Oui, même ceux qui ne savent pas. Ils en sont responsables et
solidaires de la violence.
Jean-Paul Sartre a longtemps éprouvé le besoin d'interroger
l'acte de création littéraire, non pas dans une optique
formaliste mais quant à ses répercussions sur la société.
De là des recueils d'articles qu'il appelle Situations dont les
quatre premiers s'étalent sensiblement sur les années
1936-1964 et contiennent notamment des textes sur Faulkner, Dos Passos,
Giraudoux, Mauriac, Nizan. Dans l'un d'eux intitulé précisément
Qu'est-ce que la littérature ? Sartre expose ses idées,
qui vaudront pour toute l'œuvre à venir. "La parole
est action", l'écrivain est engagé et il le sait.
Il écrit pour que personne ne se considère comme innocent
de ce qui se passe dans le monde. Le prosateur montre ce qui est et
incite à transformer des situations. On écrit toujours
pour les autres. L'écrivain est une liberté qui s'adresse à d'autres
libertés et propose des orientations. On écrit donc pour
son temps placé devant des problèmes historiques et politiques à résoudre.
Jean-Paul Sartre introduit ici des considérations philosophiques
propres à l'existentialisme. Tout homme se saisit comme une "liberté en
situation" et comme "projet" constamment ouvert sur l'avenir.
Rejeté par sa mère pris d'épouvante devant sa liberté,
Baudelaire accepte les valeurs traditionnelles du Bien et du Mal mais
choisit le mal pour éprouver sa différence. Genet assume
le nom de voleur que lui a donné depuis son enfance la société et
transforme ce jugement en défi. Il fait ainsi acte de liberté mais
accepte en même temps des catégories bourgeoises. Telle
est la thèse de Saint Genet, comédien et martyr, où il
s'agissait de "retrouver le choix qu'un écrivain fait de
lui-même, de sa vie et du sens de l'Univers, jusque dans les caractères
formels de son style et de sa composition, jusque dans la structure
de ses images". Dix-huit ans plus tard, Sartre reprend ce thème
dans son monumental ouvrage sur Flaubert, L'Idiot de la famille. Mais
ici, contrairement à ce qui se passe avec Genet, l'esthétique
n'est plus qu'une fuite hors du réel, l'acceptation d'une situation
historique favorable à une classe, la bourgeoisie. La névrose
de Flaubert correspond du reste à la névrose de l'époque
qui surgit à partir de Juin 1840. Avec Les Mots, Jean-Paul Sartre
applique sur lui-même ce qu'il a appelé la psychanalyse
existentielle : sa liberté s'est exercée contre une situation
familiale qui le confinait dans un milieu bourgeois. En 1972, il a révélé ce
que fut son propos en écrivant ce livre dès 1953. De l'âge
de huit ans à 1950, il a vécu une vraie névrose.
Rien n'était plus beau que d'écrire des œuvres qui
devaient rester. Il a compris que c'était un point de vue bourgeois.
A partir de 1954, il est guéri et passe à une littérature
militante. Tout écrit est politique. Et après Mai 68,
il ne prend plus la parole que pour des actions ponctuelles sur le plan
politique. En fait, depuis plusieurs années, en littérature
comme en philosophie, se produit une évolution qui se fait en
dehors de Sartre, voire contre lui. Le "nouveau roman" rejette
toute espèce d'humanisme, fût-il existentialiste. Le structuralisme, à travers
ses recherches dans le domaine de la linguistique,
de la psychanalyse, de l'ethnologie et du marxisme,
remet en cause les concepts d'Histoire
et de sujet, les deux piliers de l'existentialisme.
Liens connexes
Résumé:
Les Mots
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