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La Cafetière
Introduction
Ce texte écrit en 1831 est le premier de Théophile Gautier, qui
a alors 20 ans. Esthète, partisan de l'art pour l'art, admirateur d’Hoffmann,
cet écrivain accorde le plus grand soin au travail sur les mots. Cette
nouvelle témoigne de la résurgence du fantastique comme genre littéraire
au XIXe siècle en France, sous l’influence du romantisme allemand.
La Cafetière raconte l’histoire d’un homme qui, au cours d’un
voyage, s’arrête dans un lieu qu’il ne connaît pas, où il
fait un rêve étrange : il se voit dansant avec une femme qui se
transforme à l’aube en cafetière et qui se révèle être,
au réveil, la sœur disparue de son hôte. Cet extrait se situe à la
fin de la première partie de la nouvelle et plusieurs paramètres
sont favorables à l’entrée dans le fantastique : le lieu
inconnu, la fatigue, la perte des repères quotidiens, la confusion entre
veille et sommeil prédisposent à la découverte d'un nouveau
monde.
I/
Du quotidien au fantastique
Ce passage montre l’irruption du fantastique, et il constitue
le point de bascule après l'exposition d'une situation favorable.
..1.
Le récit d'un évènement
- Une composition en trois étapes : les préliminaires
(les faits troublants constatés grâce à la
lumière) ; le " je " face au surnaturel
(terreur et réaction : entre la peur et le
désir de raconter) ; la plongée dans
le fantastique (l'animation des objets).
- Une supériorité croissante du passé simple,
temps du récit, sur l'imparfait descriptif.
- Des indices temporels très nombreux (" Tout à coup,
pendule, automne, onze heures, longtemps, lorsque,
pendant que, ensuite, quelques instants après ")
qui soulignent un enchaînement temporel et une
progression : l'événement s'inscrit
dans le temps.
..2.
Le feu comme centre du récit
- Ce champ lexical très étendu se retrouve dans l'ensemble du texte.
- Le feu est un déclic de l'action : par sa lueur, il éclaire les
portraits et c'est autour de lui que les différents éléments
du tableau se réunissent (les fauteuils, la cafetière).
..3.
Animation et personnification des
objets
- Les phénomènes anormaux (les peintures animées, les prunelles
remuent et scintillent, les lèvres s'ouvrent et se ferment, les bougies
s'allument toutes seules, le soufflet souffle, les pincettes fourgonnent, la
pelle relève les cendres, la cafetière et les fauteuils marchent).
- L’animation des objets et leur personnification : " Ce que j'avais
pris pour de vaines peintures était la réalité ".
- Une gradation dans la description et une animation de plus en plus présente
par le changement d'espace (lèvres et prunelles dans les cadres, soufflet
et pincettes dans la cheminée, la cafetière marche et les fauteuils
se rangent autour de la cheminée).
Ce moment décrit est très précis, il s’inscrit dans
le temps : la progression temporelle est parallèle à l'animation
et à la personnification des objets et le fantastique surgit dans le quotidien.
II/
Qui voit ? Qui raconte ?
Le personnage narrateur, Théodore, raconte la scène.
..1.
Une présence inégale
- Relevé des apparitions : je,
moi, mon, mes, me.
- Disparition des marques de la première personne
après la ligne 18 : il n'est plus inscrit directement
dans le texte.
- Le narrateur est dépossédé du
pouvoir d'action (" je vis, j'avais pris, je
n'entendais rien, je n'ose pas ") : il subit.
..2.
Un narrateur effrayé
- Un récit en focalisation interne : les sentiments du narrateur sont
rapportés.
- Le champ lexical de la peur (" terreur insurmontable, mes cheveux se hérissèrent,
mes dents s'entrechoquèrent, sueur froide ; singulière, étrange,
surprenant ").
- Le " je " voit, parle et tremble. Les notations de l'angoisse sont
plutôt conventionnelles et se trouvent rapportées car le narrateur
les vit.
..3.
Le destinataire
- Etude du paragraphe 4 : " dire ", apparition de l'interlocuteur (" personne,
on "), le narrateur se défend d'être fou et ne veut pas raconter
de crainte de passer pour un fou... et c'est ce qu'il fait aussitôt dans
les trois paragraphes suivants.
- Le paragraphe 4 interroge le lecteur sur ce qu'il est en train de lire.
- La question de la folie possible du narrateur renforce l'impression de fantastique
du texte.
Conclusion
Ce texte présente la naissance du fantastique, le moment précis
où le récit s'éloigne du rationnel pour glisser
dans le fantastique. Celui-ci naît de la déformation du
réel et surtout de l'animation des objets alors que Théodore
devient incapable de toute action : les rôles sont inversés
entre l'être humain et les objets. En outre, le récit est
raconté par le personnage narrateur qui doute lui-même
de ce qu'il voit, par crainte d'être pris pour un fou : l'est-il
?
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