Ma bohème
Introduction
Génie précoce, Arthur Rimbaud a rapidement manifesté une
violente révolte contre l'ordre social, le conformisme et la religion
du XIX ème siècle. Ses premières fugues, qui expriment une
période de recherche pour l'auteur sont retracées dans « Ma
Bohème », élaboré en 1870. Ce poème, né d'une « alchimie
du verbe » et des sens, confère à cet acte d'émancipation
une valeur symbolique. Dès lors si cette fugue est d'abord une rupture
du poète avec son monde, le rapport que l'auteur entretient avec celui-ci
et qui lui procure bonheur et liberté, nous amène à réfléchir
sur la quête d'un idéal.
I/
Une rupture avec le monde
Dès le début du poème, Rimbaud évoque une
rupture avec son monde. IL rompt avec ses habitudes, ses pensées,
en fuguant. Il veut faire une cassure, fuir, partir. Cette rupture se
veut en premier lieu physique. Il rompt avec son lieu de vie et prend
la vie d'un fugueur. De nombreux verbes d'action et de voyages nous
le démontrent : « je m'en allais », « j'allais ».
L'utilisation de l'imparfait qui a ici une valeur de répétition
donc de détermination renforce cette image. Ses « poings » sont
dans « ses poches crevées » ; des poings et non des
mains ce qui montre encore la détermination et la volonté de
partir. Il y a ici une image violente. Cette rupture est tellement forte
qu'il part dans une « course » : il fuit, il court, il veut
aller plus loin et peut-être échapper à son destin.
Si cette rupture est tout d'abord physique, elle est
aussi morale.
Rimbaud est aussi un fugueur moral. Il montre un décalage avec
la société dont il est issu, en mettant « ses poings
dans ses poches crevées ». « Son paletot idéal » et « sa
culotte largement trouée » expriment au premier sens un
trou, un manque mais aussi et surtout la rupture d'un adolescent en
crise qui rejette les principes de son monde et qui essaie de partir,
insouciant, à l'aventure. Le poète amène d'autres
ruptures : il allait »sous» le ciel. Rimbaud s'approche
d'un ciel dont il rêve et non d'une terre où il marche
et vagabonde. « Oh ! là ! là ! » est une forme
assez primaire qui désacralise la scène en faisant ressortir
un côté infantile et qui marque aussi une rupture mais
ici poétique.
Si cette fugue est d'abord une rupture d'un adolescent
avec sa société,
elle procure du plaisir et du bonheur au jeune poète.
II/
Un vagabond libre et heureux
Le voyage et le vagabondage procurent du plaisir à ce poète
insouciant. Rimbaud est ici en fugue. Il vagabonde et ne porte sur lui
qu'un « paletot ». Dans son insouciance jeunesse, « son
unique culotte avait un large trou ». Un trou qu'il ne mentionne
que pour indiquer cette insouciance. Il ne possède qu'une « culotte » ;
il est parti à l'aventure et n'a donc rien prévu. En un
vrai vagabond, il est « assis au bord des routes ». En un
voyageur, il poursuit « sa course » et trouve « une
auberge ». L'auteur est ici entre voyage et fugue. De plus, il
semble prendre plaisir à voyager. La nature apparaît comme
un lieu de protection : « ces bons soirs de septembre ».
Elle accueille l'enfant et une complicité mutuelle s'instaure
rapidement : « des gouttes de rosée à mon front ».
Rimbaud est véritablement un fugueur heureux. Si le plaisir est
associé au voyage et à l'errance, il l'est aussi à la
liberté.
La liberté tient une place très importante pour Rimbaud.
Le titre même du poème est explicite : il met en évidence
l'insouciance et la liberté joyeuse de la vie d'un adolescent.
Cette liberté suppose un espace affranchi de toutes limites :
ici, l'auteur use de nombreux indicateurs de lieux indéfinis
qui évoquent l'immensité idéale tels que le « ciel » ou « les étoiles ».
Le poète s'interdit d'évoquer la moindre destination : « mon
auberge était à la Grande Ourse ». La liberté tient
une place très importante pour le poète. Toutefois, la
liberté est inséparable de la notion de bonheur.
Le bonheur est omniprésent dans tout le poème. Il envahit
Rimbaud dans son voyage et le rêve le complète. Le poète
se décrit comme « un petit Poucet rêveur ».
Avec ce rapprochement vers un conte enfantin, le poème a une
connotation enfantine. « Oh ! là ! là ! » place
aussi le poète dans un cadre d'insouciance juvénile. « Son
auberge est à la Grande Ourse », il écoute « le
frou-frou des étoiles » : Rimbaud apparaît comme
un grand rêveur, la tête dans les nuages. Il y a dans ce
même passage une connotation de l'idéal féminin.
Lorsqu'il « va sous le ciel », on sent une joie de vivre.
Rimbaud semble heureux. Il est « assis », en des « bons
soirs », où son bonheur est maximal, à son apogée.
Le poète est égoïste de ce bonheur dont il rêve.
Il emploie exclusivement la première personne du singulier : « je », « me ».
Il ne le pense que pour lui.
Cependant, même si l'auteur est au sommet de son bonheur, il
ne l'atteint pas totalement et nous amène à réfléchir
sur la quête d'un idéal qui le fera tout d'abord souffrir.
III/
La quète vaine d'un idéal
Rimbaud prend conscience qu'il ne peut atteindre totalement
son idéal
malgré la liberté et le bonheur dont il jouit : il est
alors désespéré et devient ivre. Il est peut-être
puni pour son bonheur égoïste. Il a besoin de « vin » pour « sa
vigueur », ce qui montre bien un certain épuisement du
poète. De plus, il se trouve « au milieu des ombres fantastiques »,
il est entouré, il ne peut les supporter et cela le rend ivre. « Ses
souliers » sont « blessés », Rimbaud ne peut
continuer son voyage, ses souliers ne suivent plus.
Cependant, cette souffrance physique n'excède pas le bonheur
: « un pied
près de mon cour ». Des assonances en « i » évoquent
aussi cette souffrance.
Si la quête d'un idéal fait tout d'abord
souffrir le poète,
celui ci finit par le trouver à travers le rêve et la poésie.
Tout au long du poème, Rimbaud est en quête d'un idéal
qu'il ne peut trouver. Un idéal déjà évoqué auparavant
par la soif de liberté, de bonheur. « Le doux frou-frou
des étoiles » connote aussi l'idéal féminin
en évoquant le froissement de la soie chez les femmes. Par le
biais de l'expression « des lyres » qui évoque la
musique antique mais qui a aussi une référence mythologique
avec Orphée, le poète délire, sombre dans une certaine
folie, par ce jeu de mot. Le poète se décrit comme « un
Petit Poucet rêveur », et il a rêvé de « ses
amours ». Rimbaud se rend compte qu'il ne pourra atteindre un
idéal du monde où il vit mais peut-être à travers
un monde onirique ou poétique. Rimbaud trouve son idéal
dans la poésie : il y apporte une dimension humoristique avec
le contraste entre les différents registres de langues : « Muse », « trou », « Oh
!, là !, là ! ». L'abondance des rejets ajoute aussi à la
lecture du poème le plaisir de la surprise.
Le poète exprime du bonheur en écrivant à travers
l'humour et les fantaisies du jeu verbal. Il erre tant dans la poésie
que dans l'imaginaire.
Conclusion
Rimbaud est un jeune épris de liberté qui
vagabonde et rêve au bonheur. Il essaie d'atteindre un idéal
qu'il ne peut trouver sur terre et qu'il trouvera finalement dans la
poésie et le rêve. Il préfère voyager avec
ses mots. Sa fugue en vers exprime ses souhaits, ses envies, ses rêves
en s'inspirant de sa vie et de ses mésaventures. Son expérience
personnelle, empreinte de ses mots se transforme en poème universel
où chacun de nous se retrouve.
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