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Alcools
Présentation
C'est Alcools qui a fait la gloire de Guillaume Apollinaire lorsque le livre
parut en 1913. Toutes les recherches poétiques d'une époque
lassée de la rigueur du Parnasse et des "suavités" symbolistes,
se retrouvent dans ce livre où la fantaisie charmante du poète
côtoie une inspiration souvent tragique. D'instinct, ce demi-Polonais
rejoignait la tradition poétique française la plus pure, la
plus directe, telle qu'elle s'incarne, avec une séduisante "sophistication" chez
Ronsard, et avec le naturel âpre et fort, et tendre à la fois,
de la chanson populaire, chez François Villon. Aucun livre de cette époque,
sans doute, n'a exercé une influence comparable à celle qu'Apollinaire
a exercée, avec Alcools, sur toute la poésie française
de cette première moitié du siècle, et il n'est pas
certain que cette influence soit épuisée. Guillaume Apollinaire
est le "pur poète", c'est-à-dire celui pour lequel
le chant est aussi nécessaire et aussi naturel qu'il l'est à l'oiseau.
De là cette spontanéité, cette fluidité d'un
rythme qui se modèle tout naturellement sur le mouvement même
de la vie, qui suit fidèlement toutes les sinuosités de
l'émotion. Dans "le Pont Mirabeau", par exemple, qui
a la beauté grave et bouleversante de la douleur la plus discrète
et la plus tragique, un air de romance populaire, presque, évoque
le poète penché sur la Seine et se remémorant son
amour :
"L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente".
Renonçant à la ponctuation traditionnelle – ce
qui fut une des innovations les plus discutées et les plus critiquées
d'Apollinaire, – le poète ne connaît d'autre scansion
que celle commandée par la respiration d'une part, et de l'autre
par la palpitation intérieure de la passion. Des pages d'une
incroyable drôlerie, des "jeux" où la virtuosité et
le goût de l'étonnement s'associent à l'inspiration
poétique la plus authentique et la plus noble, constituent des
assemblages, extravagants par instants, toujours beaux, et nouveaux
de ton et d'aspect. Le mouvement épique de "la Chanson du
Mal Aimé", par exemple, qui porte l'incantation à un
degré magnifique d'évidence et d'émotion, la nonchalance
habile et délicieuse de certaines "pièces de circonstance",
la résurrection de vieilles légendes rhénanes – la
poésie du Rhin avait fortement marqué Apollinaire – attestent
la diversité de ce recueil qui rassemble l'œuvre écrite
entre 1898 et 1913.
Parallèlement à la composition de ces poèmes,
et de quelques romans et nouvelles, étranges et magnifiques,
l'Hérésiarque, la Femme assise, le Poète assassiné,
etc., Guillaume Apollinaire combattait en faveur des initiatives les
plus neuves de la peinture. Il fut un des théoriciens du Cubisme,
dans son livre les Peintres cubistes, qui apparaît en quelque
sorte comme l'évangile de cette nouvelle esthétique qu'il
défendait, en même temps qu'il défendait aussi le
Futurisme. Des mouvements littéraires comme Dada, comme le Surréalisme,
prennent en grande partie leur source, eux aussi,
chez Apollinaire.
Tout en constituant le document le plus complet sur
l'activité poétique
de toute une époque, Alcools compte aussi parmi les œuvres
parfaites dont se glorifie la littérature française. Nul
ne conteste plus aujourd'hui le génie d'un poète, qui,
outre qu'il a donné sa vie pour la France pendant la guerre de
1914-1918, a apporté à son pays d'adoption un accent très
neuf et traditionnel tout à la fois. Dans le même poème,
il associe des strophes pathétiques et bouffonnes comme celles
de "Marizibili"
"Elle se mettait sur la paille
Pour un maquereau roux et rose
C'était un juif il sentait l'ail
Et l'avait venant de Formose
Tirée d'un bordel de Changaï."
Après quoi viennent ces vers bouleversants :
"Je connais gens de toutes sortes
Ils n'égalent par leurs destins
Indécis comme feuilles mortes
Leurs yeux sont des feux mal éteints
Leurs cœurs bougent comme leurs portes."
Dans Alcools et dans Calligrammes, la poésie d'Apollinaire atteint
sa cime la plus haute et la plus pure, tant on sent de sincérité,
d'authenticité dans l'émotion, même dans les morceaux
qui peuvent paraître d'une drôlerie artificielle ou relevant
du pur caprice de la fantaisie.
Consultez également une fiche de lecture d'Alcools
sur Fichesdelecture.com
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Biographie
de Apollinaire
Commentaire
composé: Poèmes à Lou
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