|

L'orphelin
de Port-Royal
Jean Racine naît en 1639 dans une obscure petite ville de province, La
Ferté-Milon, au sein d'une famille de notables locaux sans éclat,
fonctionnaires modestes ou gens de loi. Très tôt orphelin, l'enfant
est recueilli par sa grand-mère maternelle, qui, devenue veuve, l'emmène
avec elle à l'abbaye de Port-Royal des Champs. Le petit Racine est autorisé à suivre
gratuitement l'enseignement que dispensent les maîtres des " Petites
Ecoles " rattachées au monastère.
Il y fait de solides humanités, qui façonnent
en lui un goût et une sensibilité littéraires
précoces. Ses études terminées,
après un an de philosophie au collège
d'Harcourt à Paris, le jeune homme s'installe
en 1659 - il a vingt ans - dans la capitale, où il
a pour guide son cousin Nicolas Vitart, secrétaire-intendant
de la puissante famille des Chevreuse (fort liée à Port-Royal),
lequel l'introduit dans les milieux aristrocratiques
et les cercles littéraires.
Dès 1660 une tragédie perdue, Amasie,
est proposée - en vain - à la troupe
du Marais. Une ode écrite pour célébrer
le mariage de Louis XIV, La Nymphe de la Seine, est
remarquée par Chapelain. Mais Racine doit s'assurer
un revenu. L'année 1661 le voit partir à Uzès,
dans le Midi de la France, où un oncle chanoine
pourra peut-être lui obtenir un bénéfice
ecclésiastique. L'affaire n'ayant pas abouti,
c'est le retour à Paris en 1663, et une seconde
entrée dans le monde.
Le
poète courtisan
L'ambitieux écrit d'autres poèmes à la
gloire du roi ; il est présenté à la
Cour, et inscrit dès 1664 sur la liste des
gratifications royales. Il élargit le cercle
de ses relations, rencontre Boileau et surtout
Molière, dont la troupe accepte de jouer
La Thébaïde, qui n'a pas grand succès.
En revanche, en 1665, Alexandre est une réussite,
mais aussi l'occasion d'une brouille retentissante
avec Port-Royal, hostile au théâtre,
et d'une rupture avec Molière, à qui
le jeune auteur retire sans préavis sa pièce
pour la porter à la compagnie rivale de
l'Hôtel de Bourgogne, dont les acteurs ont
la réputation d'être les meilleurs
tragédiens du temps.
Dès lors, pendant une dizaine d'années,
la vie de l'homme va se confondre avec la carrière
prestigieuse et fructueuse d'un écrivain dramatique
qui ne cessera plus de voler de succès en succès.
Andromaque apporte une gloire fracassante au poète
en 1667 ; Les Plaideurs amusent la Cour en 1668 ;
Britannicus pose l'auteur en rival de Corneille en
1668 ; Bérénice fait pleurer Versailles
et Paris en 1670 ; Bajazet en 1672, Mithridate en
1673 jouissent d'une faveur identique ; Iphigénie
est un triomphe en 1674 ; une première édition
collective des Œuvres voit le jour en 1676 ;
Phèdre enfin, en 1677, s'affirme très
vite, malgré la cabale qui gâte ses débuts,
comme le chef-d'œuvre par excellence du théâtre
racinien.
Le
courtisan poète
Et puis Racine cesse brusquement d'écrire
pour la scène, et il entame une seconde
carrière pour ainsi dire, officielle et
toute remplie d'honneurs, qui va faire de lui l'un
des familiers de Louis XIV. L'écrivain avait été élu à l'Académie
française dès 1673. Deux nominations à des
postes considérables et enviés, celui
d'historiographe du roi et celui de " gentilhomme
ordinaire de la Chambre ", ponctuent et parachèvent,
en 1677 puis en 1690, la brillante ascension sociale
du courtisan. Marié en 1677, père
de famille, homme riche, célèbre
et estimé du prince, Racine n'a plus rien à désirer
des biens de ce monde. Sa plume lui sert désormais à relater
les hauts faits du monarque et à entonner
sa louange.
Il revient tardivement au théâtre, en
donnant, à la demande de Mme de Maintenon,
que Louis XIV a épousée en secret après
la mort de sa première femme, deux pièces
bibliques, Esther en 1689, Athalie en 1691, qui marquent
un renouvellement de son art et connaissent la même
faveur que les tragédies du passé. Les
dernières années sont celles d'un chrétien
du temps : les valeurs religieuses finissent par l'emporter
sur les grandeurs terrestres. Racine, qui s'était
réconcilié avec Port-Royal dès
1679, et qui pratiquait assidûment la Bible,
meurt en 1699 " avec des sentiments de piété très
vifs et très édifiants " (selon
les termes de son contemporain Charles Perrault).
Le défunt est inhumé, selon ses désirs
et avec l'autorisation du roi, à Port-Royal,
auprès de la tombe de l'un de ses anciens maîtres.
Bibliographie
1665 Alexandre
1667 Andromaque
1668 Les Plaideurs
1669 Britannicus
1670 Bérénice
1672 Bajazet
1673 Mithidrate
1674 Iphigénie en Aulide
1677 Phèdre
1689 Esther
1691 Athalie
Liens connexes
Résumé:
Phèdre
|