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Corruption des ménages:
amour et argent
Le père Goriot
De "Mon cher père!" à "Sainte-Pélagie."
Introduction
Vautrin arrêté, Eugène enfin
libre de toute pression pernicieuse a passé une soirée
charmante entre le et père et la fille dans l’appartement
payé par Goriot. Tous deux ont annoncé leur départ à maman
Vauquer. Eugène apporte à Delphine l’invitation
au bal de madame de Beauséant. Ainsi s’est achevée
la troisième partie, Trompe-la-Mort.
Le lendemain, les deux pensionnaires attendent
les déménageurs
quand Delphine d’abord, puis Anastasie se présentent à la
chambre de leur père, porteuses toutes deux de dramatiques nouvelles.
Pour l’une et l’autre le désordre de leur vie se situe sur
deux plans, à envisager successivement : l’échec de le relation
conjugale et les compromissions d’argent.
Il contribue à l’apprentissage d’Eugène
en le faisant témoin d’une scène de mœurs où s’étalent
les déchirements de sentiments et d’argent des filles Goriot.
Le deuxième objectif du narrateur est d’introduire le thème
du dénouement, celui de l’agonie, en insistant sur la blessure
mortelle infligée au père. I/
Les échecs de l’amour
La visite successive de Delphine et Anastasie est l’image
même de l’échec de Goriot : échec de son
amour paternel et de l’éducation aveugle donnée à ses
filles.
Les malheurs de Delphine. L’immoralité du baron de
Nucingen est profonde dans le domaine des mœurs : il est disposé clairement à fermer
les yeux sur la liaison de sa femme si elle accepte de le seconder
dans des affaires véreuses (pages 299-300).
Les sentiments de Delphine à l’égard de son mari
se partagent entre l’horreur et le mépris. Elle forme
le projet d’utiliser les désirs frustrés du baron
pour lui arracher des avantages financiers, de se vendre à son
propre mari (page 301).
Ce sont là las signes irréfutables de la faillite d’une éducation
: est posée la question de la responsabilité du père
dans les désordres de sa fille (page 301).
Les égarements d’Anastasie. Chez Anastasie, qui a deux enfants
adultérins, l’échec conjugal se double d’un profond
déchirement de la cellule familiale : elle raconte une scène
terrible où son mari a exigé et obtenu la vérité (page
305).
Anastasie a encore connu l’échec dans ses amours en dehors du
mariage : Maxime son amant la dupe, la cajole et lui joue la comédie
du suicide dans le seul but de lui extorquer de l’argent (page 303).
Quelle force exorbitante dans la passion d’Anastasie ! Elle a vendu les
perles offertes par son mari ; ruinée, elle vient encore quémander
auprès de son père les douze mille francs qui éviteraient à son
amant la prison pour dettes ! Elle est immense dans sa folie : une vie détruite,
une famille, une position sociale, tout cela ruiné pour un amour fou.
Elle a autant de démesure que son père. Faut-il parler d’inconduite
ou de passion ? Voir page 307 : « Il ne me reste plus au monde que son
amour… »
II/
Les compromissions pour l’argent
C’est bien sûr l’argent qui est au cœur de ce désastre.
Balzac démonte avec minutie le mécanisme de l’escroquerie.
Le mécanisme frauduleux. Il est mis en place par le baron.
Il consiste à faire céder les titres de propriété des
constructions et à spolier les entrepreneurs en déclarant
faillite des intermédiaires complices, opération
de très grande envergure ; sa femme est compromise aussi,
appelée à lui servir de prête-nom si nécessaire
; elle se voit contrainte d’accepter, sauf à préférer
la ruine pour préserver son honnêteté (page
300). Impensable !
Les dettes d’Anastasie. Les dépenses qu’elle a engagées
ont dépassé toute mesure : déjà des traites ont été payées
par Goriot, qui a cédé pour cela sa coupe en vermeil (se reporter
au tout début du roman) ; puis l’extravagance d’avoir vendu
le collier de perles, trésor de famille, montre la folie de sa passion.
Son amant est donc un jeune homme qu’elle paie, et elle paie ses dettes.
Son égoïsme est sans fond à l’égard de son
père ; elle conserve tout son sang-froid, elle vérifie la traite
et remonte pour la faire endosser par Eugène. Elle a finalement acculée à la
ruine, contrainte par son mari à consentir l’abandon de tous ses
biens (page 306).
III/
La préparation du dénouement
On relève au fil de la lecture de nombreuses expression préparent
le lecteur à cette idée que le père ne survivra pas à la
douleur de voir ses filles démunies, à la violence de leur querelle
et à son impuissance pour les aider.
Voici les premières indications annonçant le thème de l’agonie,
dont quelques-unes dans les pages qui précèdent notre extrait : « Tu
viens, dit le vieillard, de me donner un coup de hache sur la tête (page
295)… Non, non, je ne m’en irai pas au Père-Lachaise en laissant
mes filles dénuées de tout (page 297)… Si cette idée était
vraie, je n'y survivrai pas (page 298)… Ma pauvre tête ne
tiendra pas à un double malheur (page 302)… J’en mourrai,
dit le Père Goriot (page 303)… A ce mot lugubrement jeté,
comme un son du râle d’un mourrant… (page304)». On constate
l’insistance du narrateur à annoncer une agonie qui n’avait
pas encore été évoquée.
Conclusion
La présence d’Eugène, qui assiste à la
scène à l’insu des autres personnages, permet
de réunir tous les fils de l’intrigue peu avant le
dénouement. Cette scène est en même temps une
méditation sur les désastres qu’entraîne
l’excès de l’amour.
Eugène, témoin caché, entend toute la scène à travers
la cloison de sa chambre, et cela constitue pour lui une rude leçon
de choses sociales Il est plongé au coeur du bourbier parisien,
qu’il avait déjà côtoyé en acceptant
les hasards de la roulette pour payer les dettes de delphine. Les
exigences et les plaintes des filles Goriot apportent une contribution
forte à son éducation.
Le désastre des excès. Si l’on veut dégager une
leçon de cette scène, on constatera que les grands sentiments
n’ont eu que des conséquences nocives : Goriot est coupable et
puni, pour avoir top aimé et fait par là malheur de ses proches.
Anastasie est du même sang, ruinée par son amour, comme son père.
Le sublime du cœur est un système inadapté au réel,
donc nuisible. Dans l’ordre de la vie privée comme celui du contrat
social, le culte de l’absolu débouche sur des ruines. L’amour
même, et le désir de faire le bien d’autrui, doivent rester
dans les bornes de la modération, et qui veut faire l’ange fait
la bête. Liens connexes
Biographie
de Balzac
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